L'Ultra-Raid 360 : Récit de Camille

18/08/2022

ULTRARAID 360 à Domfront (61) le 11-12/06/2022. Récit de Camille :

2 ans 1/2 que je suis inscrit, le covid est passé par là, c'est dire si j'attendais ce moment et la remise du dossard et la balise de suivi GPS ce vendredi soir dans la salle de Domfront. UR360, c'est l'ultraraid 360 de Domfront dans l'Orne, petit village perdue dans l'Orne entre Rennes, Caen et Le Mans. Le principe est simple, faire 360km en 36 h pour avoir le brevet, oui, c'est un brevet FFCT, et non une course ou une rando. Le parcours est découpé en 4 sections de 90km avec passage à chaque fin de section à la base-vie principale. 2 sections dans un sens, et ensuite on part pour les 2 sections en sens inverse. Un ravito tous les 30km sur le parcours.

Briefing du soir après le repas, et un chiffre me marque plus qu'un autre : 30 %. C'est le taux de finisher des 2 précédentes éditions. Je regarde autour de moi, pourtant tout le monde m'a l'air entraîné, et ce chiffre me paraît peu, c'est dire s'il va falloir être humble avec l'épreuve. Vendredi soir, dodo dans la voiture sur le terrain de foot au milieu des camping-cars et des tentes des 150 participants.

Samedi, départ 6h, il fait beau et il prévoit beau temps tout le weekend, top.

J'ai eu le temps depuis 2 ans de faire des schémas de course, et suite à notre tour du département de seine maritime, je suis rassuré sur mon niveau, normalement, ça va le faire physiquement. Un petit doute sur le vélo suite à un montage de roue fait en express 2 jours avant de partir, mais finalement, tout fonctionnera au top.

Reste à découvrir le parcours et adapter le rythme par rapport à mes prévisions. Au début, je pars avec comme objectif de rouler 270km et de faire dodo à la voiture en attendant le levé du soleil du dimanche, tout ça marche avec des boucles faites en - de 7h par tranche de 90km, ça fait une pause à 3h du matin, ce qui me permettra de dormir 3h, et de repartir à 6h pour finir les derniers 90km, le tout avant 18h. Voilà ma stratégie pour réussir l'objectif.

C'est parti !

On rejoint la piste cyclable « vélofrancette » qui passe à proximité, c'est assez drôle de voir des panneaux « LA ROCHELLE » 500km. Ça part bien, tranquille, mon objectif est de faire le 1er tour de 90km sans forcer et de voir le temps que je mets et de s'adapter.

On quitte la velofrancette, pour les 1ers chemins, 1ere côte, 1ère descente et 1ère chute. Ça allait vite, pas exceptionnel, mais une belle glissade, je me relève vite sans souci, et je sens que quelque chose cloche dans mon épaule droite, je la regarde, je regarde l'épaule gauche, euh, y'a quelque chose qui n'est pas normal.

Bon, le vélo va bien, je ne peux plus le porter avec le bras droit, mon téléphone est parti à 10m, mon bras ne lève plus au-dessus de l'épaule, soit 90°, il est 6h30, j'ai fais 7km, il m'en reste 353km, j'ai bloqué ce weekend solo depuis très longtemps, je suis à Domfront en Poiraie à 3h de chez moi, et j'ai l'épaule dans le sec, 1ère fois de ma carrière cycliste. J'essaie de pousser dessus pour remettre le bazar en place, genre George Clooney dans URGENCES, mais bon, tout le monde n'est pas George, et rien ne bouge...

Le diagnostic est vite fait, pas besoin d'avoir fait médecine. J'ai pas spécialement mal quand je suis debout, sauf quand je prends un choc, ça remonte bien sec dans l'épaule, mais la position sur le VTT passe.

Je me décide à aller au ravito du 30km et voir ce que ça donne. Toute façon, j'ai rien à perdre. J'espère voir Adriana Karembeu de la croix rouge pour me faire une remise en place express de l'épaule, on ne sait jamais.

Je repars, après 5km je commence à souffrir dans les passages de fond de rivières caillouteux qui me défonce l'épaule, et les passages dans la boue, l'épaule se remet et bouge à chaque choc. Un peu l'impression d'avoir l'épaule qui flotte. Ravito du 30, rien, pas de trousse de secours, encore moins d'Adriana. L'organisation me propose si possible d'aller au ravito du 60 et appellera les secours si possible là-bas.

Je tiens le choc, je crie de temps en temps, ça soulage, je positive comme je peux, je descends très souvent de vélo malheureusement à l'approche des zones où je sais que je vais dérouiller.

Ravito du 60km, on me propose d'aller à la pharmacie ou les pompiers du village. Au cours de la rando et des participants rencontrés dont un pompier, je sais que ce n'est pas la peine d'aller chez eux, je file à la pharmacie. Un membre de l'orga me file sa CB pour payer la pharmacie, sympa. Pharmacie, je trouve une épaulière de contention, l'impression de revivre, je repars en me disant que ça va tenir, j'ai l'impression d'un effet magique, petite larme, car depuis quelques heures, les émotions sont assez fortes. Malheureusement 5km plus loin, je me rends compte que mon épaulière me soulage, mais ça claque toujours dans les chemins.

Mon espoir de finir s'envole, jusqu'au km 80, des passages difficiles avec une épaule en moins.

J'arrive au km 90 à 12h pile, je suis largement dans mes temps, je réfléchis, je prends le temps de manger chaud, de boire, il fait de plus en plus chaud, et puis je ne sais pourquoi, je décide de continuer. Idée complètement débile, mais quand je suis arrêté, ça ne me fait pas mal et je veux voir la suite du parcours.

Je repars avec cette idée de rouler, et on verra bien, je veux découvrir ce parcours, j'ai rarement des week-end solo, alors je profite.

Et ça repart sur la vélofrancette, du coup, aucune douleur pendant quasi 10km.

On dépasse les 100 km, il fait chaud, ça devient dur, ça refait mal au bras, j'arrive au km 120 avec le sentiment d'être fatigué. Je bois, je bois, je bois, environ 4 litres dans ma journée. Et je mange, je mange.

Je repars quand même, il faut bien en laisser aux autres, j'ai environ 20km de retard sur les 1er, je vois ça au ravito équipé d'un écran pour suivre la progression de chacun, je pourrais rester des heures à regarder ces petits points qui est basé sur notre balise GPS. Je décide enfin de me faire une raison vers le 130ème km et d'arrêter au km 180, je le sais, je viens de prendre la décision, trop risquer de rouler de nuit dans ses conditions avec cette épaule qui me fera mal au moins 200 fois. Je décide de profiter pleinement de la fin : des paysages, du soleil, des chemins, je discute avec les autres concurrents qui connaissent mon état et chacun me relate ses expériences passées de luxation, c'est assez drôle, et le temps passe plus vite, chacun y allant de son petit conseil sur la rééducation.

J'arrive au km 150, il fait très chaud, pas en grande forme, mais je suis relax depuis que j'ai pris la décision d'arrêter.

Il faut bien repartir quand même, et étonnement, ça roule très bien désormais, je reprends des gars, 5 sur ces 30 derniers km, les jambes répondent bien, je profite à fond de mes derniers moments, et j'arrive au km 180 à la base-vie à 18h45 sans avoir trop forcer et avec l'impression de pouvoir enchaîner aussitôt.

Je rends ma balise GPS, qui signifie la fin de mon épreuve, toute l'orga est très sympa (je recevrai un SMS dans la semaine pour prendre des nouvelles), 15e abandon déjà, je pointe dans les 30ème au km 180.

Douche, repas, et direction les urgences de Flers pour enfin savoir ce que j'ai réellement. 4 h au total entre l'entrée et ma sortie, et l'impression d'être pire en repartant qu'en arrivant. Ils m'ont retiré l'épaulière pendant 1h, et j'ai senti le bras tombé lentement, dommage j'aurais dû aller à Rouen, ça n'aurait pas été pire.

Je rentre péniblement en pleine nuit sur Rouen avec passage des vitesses de la main gauche, fun.

Visite chez le chirurgien 9 jours après, bilan : disjonction acromio-claviculaire stade 4 sur 4. Vous faites quoi mardi prochain dans 1 semaine ? Rdv pour l'opération pour remettre l'équilibrage, et ensuite une lente remise en état du bonhomme.

Visite de contrôle chez le chirurgien prévu début août, pour savoir si je peux commencer la kiné, et retour sur un vélo en octobre, éventuellement en septembre si je remets plus vite que prévu. En attendant patience.

Les autres gars avec moi au moment de mon abandon auront tous fini dans les temps, environ 30h, tant pis, je reviendrai un jour pour boucler la boucle. 50% de finisher pour cette année.